29 décembre 2005
Bobbito Garcia : Un mec à la Tyler
Hip Hop, sneakers, basket, si vous vous posez une question sur l'un de ces sujets, Bobbito Garcia est votre homme. DJ, basketteur professionnel et grand connaisseur de "souliers de sports", Bobbito se passionne pour tout ce qui nous passionne. Rencontre avec vrai un mec à la Tyler.
Lyrics : Théophile Haumesser
C'est un réel bonheur de discuter avec Bobbito Garcia. Fanatique de basket et de baskets, le gaillard est également un grand collectionneur de disques et un DJ très respecté, dont l'émission de radio qu'il animait durant les années 90 avec son compère Stretch Armstrong à New York a vu défiler toutes les grandes pointures de l'époque. De Nas à Organized Konfusion en passant par Black Moon, Big L, Company Flow, Mad Skillz et tant d'autres, tous les plus grands MC's sont un jour passés sur son show. Déçu par l'évolution générale du Hip Hop ces dernières années, il s'occupe aujourd'hui beaucoup plus de basket-ball et c'est d'ailleurs dans les tribunes du tournoi de streetball parisien, le Quai 54, que nous nous sommes posés avec lui pour taper la discut'.
Tyler : Tu t'es d'abord fait un nom dans le milieu de la musique, mais il semblerait que tu t'occupes de plus en plus de basket ces derniers temps, comment ça se fait ?
Bobbito Garcia : J'ai toujours été dans le milieu basket. Avant que je ne bosse pour Def Jam en 1989, j'avais joué en pro au Porto Rico en 1987. Avant ça, j'avais joué à la fac (de 84 à 88) et toute ma vie j'ai arpenté les playgrounds de New York. Quand j'ai commencé à me faire un nom dans le Hip Hop, je continuais toujours de jouer à côté et il y avait plein de gens du milieu basket qui ne savaient pas que j'étais DJ et inversement. Au bout d'un moment, quand j'ai vraiment commencé à être connu, les gens ont réalisé que le Bobbito des playgrounds et celui des soirées Hip Hop était le même.
T : C'était comment de jouer au Porto Rico ?
B.G. : C'était incroyable ! Tu sais, quand l'équipe nationale a battu les USA lors du premier match des derniers Jeux Olympiques, j'étais l'une des rares personnes à ne pas être surpris parce que, quand j'ai joué là-bas, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait du niveau et un réel potentiel. En 1976, les Américains ne nous avaient battus que d'un point et notre ligue professionnelle a dix ans de plus que la NBA ! Ça fait très longtemps que nous aimons ce sport et il y a de nombreux joueurs légendaires au Porto Rico. Jouer là-bas, ça a été l'une des meilleures expériences de toute ma vie. Je ne fais que 1,78 m et je suis maigrichon, et pourtant j'ai eu l'occasion de jouer pro dans mon pays d'origine. Jamais je n'aurais cru que ce serait possible…
T. : Est-ce que tu penses que les joueurs NBA ont enfin compris que le basket international c'était du sérieux ?
B.G. : Oh oui ! S'ils n'avaient pas encore pigé, cette fois ils ont eu le message. De toute façon, c'est évident, quand tu regardes le nombre d'étrangers qui évoluent maintenant en NBA et qui y excellent. Pour le basket playground, c'est la même chose, c'est en train de se développer partout à travers le monde. Je suis rédacteur en chef d'un magazine de basket qui s'appelle Bounce et on a fait des papiers sur des mecs du monde entier, de l'Afrique du Sud à Tokyo en passant par Londres ou même Paris - ce sera dans notre numéro d'automne -.
T. : Comment est-ce que tu as eu l'idée de lancer un magazine ?
B.G. : Je ne me suis pas lancé tout seul, j'ai quatre partenaires. Moi, j'avais voulu lancer un truc il y a huit ans de ça, mais ça ne s'était pas fait, et puis finalement, mes actuels associés sont venus me voir parce qu'ils avaient une idée similaire à la mienne. Là, j'ai sauté sur l'occasion. Le mag' existe depuis deux ans maintenant et pour l'instant ça se passe très bien.
T. : J'ai aussi entendu dire que tu avais une émission de télé sur ESPN, tu peux nous en parler un peu ?
B.G. : Bien sûr, ça s'appelle "It's the shoe". C'est très orienté "sneaker culture", j'ai été contacté par ESPN parce qu'il y a quelques années, j'ai sorti un bouquin sur les baskets qui s'appelle "Where did you get those ?". Dans l'émission, je me rends chez des athlètes connus et je les interroge sur leur collection de sneakers. Le show marche très fort et j'espère enchaîner très vite sur une deuxième saison.
T. : Des gens que tu as interviewés jusqu'à présent, qui a la collection de sneakers la plus dingue ?
B.G. : Je dirais Quentin Richardson (ndlr des New York Knicks) et Carmelo Anthony (ndlr des Denver Nuggets). Mais c'est trop facile pour eux, ils ont le cul bordé de sneakers (rires) et en plus ils ne les paient même pas. Pire, on les paie pour les porter ! C'est pour ça qu'une des choses sur lesquelles on insiste bien dans l'émission c'est que c'est la qualité et le goût qui comptent, et pas la quantité. Tu peux n'avoir qu'une paire de baskets et avoir beaucoup de style et être mieux sapé qu'un mec qui a cinq cent paires de pompes mais qui ne sait pas comment les porter.
T. : J'ai lu que tu étais désormais un "ex-sneaker addict" et que tu t'étais débarrassé de ta collection, c'est vrai ?
B.G. : Oui, absolument, pourtant j'avais à peu près cinq cent paires de shoes. Mais le truc, c'est que je trouve qu'un des gros problèmes du Hip Hop aujourd'hui, c'est qu'il est devenu trop matérialiste. C'est vrai qu'il l'a toujours été, mais avant il n'y avait pas que cette facette-là qui était mise en avant. Du coup, ça aurait été hypocrite de ma part de critiquer les autres tout en restant matérialiste moi-même. Moi, je suis un basketteur, donc j'ai besoin de bonnes chaussures pour pratiquer mon sport et c'est tout. Je n'ai pas besoin d'en avoir des centaines. Mais je continue de m'intéresser de près au sneakers. J'ai même dessiné quelques models. J'en ai fait pour Adidas (il le prononce à la française en rigolant), pour les 35 ans de la Superstar, j'ai fait un model spécial, limité à 4000 exemplaires, signé Project Playground, c'est le nom de l'équipe de basket avec laquelle je joue et avec laquelle je fais des démonstrations. C'était une très bonne expérience. En ce moment, je suis en contact avec Reebok pour éventuellement faire le design de leur "DJ shoe", on va peut-être faire une édition spécial DJ Cucumberslice (ndlr l'un de ses pseudos).
T. : En tout cas, si tu décides un jour de te débarrasser de tes disques, passe moi un coup de fil, ok ?
B.G. : (Rires) Ok, ok. C'est vrai que j'ai beaucoup de disques. Mais tu sais, je vais les garder jusqu'au bout parce que je veux pouvoir les donner à mes gamins. Moi, j'ai eu la chance d'hériter de la collection de mon père, dedans il y a pas mal de disques des années 50, donc si je les donne à mes enfants, ces disques auront presque 70 ans.
T. Qu'est ce qu'il est advenu de tes labels Fondle 'Em et Fruitmeat Records ?
B.G. : Les deux sont morts. En ce moment, j'ai vraiment trop à faire pour pouvoir m'occuper en plus d'un label. Et puis, la scène underground n'est plus ce qu'elle était. Je préfère dépenser mon énergie en me lançant dans de nouveaux défis, comme l'émission de télé ou le magazine. Je fais aussi les voix sur les jeux NBA Street volume 2 et 3 de EA Sports, là je vais enchaîner sur un documentaire basé sur le livre "Where did you get those ?", je continue de mixer deux fois par mois à New York et je fais aussi des soirées un peu partout à travers le monde, donc tu vois, j'ai plein de projets.
T. : Certaines personnes ne le savent peut-être pas, mais c'est toi qui a aidé MF Doom à relancer sa carrière, est-ce que tu es surpris par son récent succès ?
B.G. : Oui et non. En tout cas, je suis trop content pour lui parce que, lui et moi, on a vécu plein de trucs ensemble. Après la mort de son frère, il s'est fait viré par Elektra quand il était encore Zev Lov X de KMD, il a pas mal galéré et quand il est devenu MF Doom, c'est moi qui ai sorti ses cinq, six premiers disques sur Fondle 'Em. C'était vraiment cool de bosser avec lui, même si parfois il était re-lou comme personne (il éclate de rire). Mais c'est mon pote, j'ai plein d'amour pour lui et ça fait vraiment plaisir de voir réussir quelqu'un qui a autant travaillé que lui. La semaine dernière, je l'ai vu en concert à Central Park avec De La Soul et The Roots, c'est mortel tout ce qui lui arrive.
T. : Selon toi, qu'est-ce qui a le plus changé dans le Hip Hop ces dix dernières années ?
B.G. : Je pense que, d'un point de vu créatif, le Hip Hop a atteint son apogée il y a dix ans de ça. Maintenant, on dit qu'untel ou untel est le meilleur, mais c'est juste qu'ils vendent beaucoup de disques. Il y a dix ans, les rimes étaient bien mieux écrites, maintenant il y a beaucoup de refrains chantés… ce qui est cool parce que le chant a toujours fait partie du Hip Hop mais je trouve qu'en ce qui concerne l'écriture pure et la façon dont les beats sont construits, on a déjà atteint le top il y a dix ans. Dans dix piges, il y aura une nouvelle forme de culture et de musique qui aura émergé.
T. : Tu continues quand même d'écouter des trucs qui sortent maintenant ?
B.G. : Oui, absolument. Je vais à Fat Beats une fois par mois et je continue de surveiller ce qui se passe. J'adore le nouvel album de Common, j'aime beaucoup Medaphoar de Stones Throw, il y a toujours des gens qui font de la bonne musique, c'est juste qu'ils ne sont plus aussi nombreux qu'avant. C'est pour ça que j'ai arrêté d'animer l'émission de radio que je faisais avec Stretch Armstrong. Je l'ai fait pendant douze ans, mais quand tu dois tenir l'antenne de une heure à quatre heure du matin et que tu n'as que cinq disques que tu as vraiment envie de passer, c'est chaud…
T. : L'an dernier, avec DJ Spinna, vous avez sorti deux compilations mortelles de reprises de Stevie Wonder. Est-ce que tu as écouté son nouveau disque ?
B.G. : Non, j'ai juste entendu son single. J'ai bien aimé mais je n'ai pas adoré. Je trouve qu'il a essayé de mettre trop de mots dans chaque couplet, et moi j'aime quand il s'exprime avec clarté, ce qui est pourtant habituellement une de ses grandes forces. Mais j'adore Stevie Wonder, c'est mon artiste préféré… (Avec un air amusé de défi) je l'aime plus que Run DMC !
Vous trouverez plus d'infos sur Bobbito sur les sites suivants :
www.somosarte.com/Bobbito/
http://www.projectplayground.com/
http://www.bouncenyc.com/
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2 commentaires:
il a l'air super cool bobbito !
ça passe toujours son émission sur les sneakers ? pour ceux qui connaissent : on pourrait lui proposer un sujet sur philou... il correspond bien au : "Tu peux n'avoir qu'une paire de baskets et avoir beaucoup de style et être mieux sapé qu'un mec qui a cinq cent paires de pompes mais qui ne sait pas comment les porter."
Tout à fait d'accord avec Mamasan... Pour ceux qui connaissent le Philou en question, vouv mêmes, vous savez !! ;-)
Pour rebondir sur la dernière question, les compils Stevie Wonder sont mortelles. Je vous invite à les écouter.
Par ailleurs, elle m'a mis l'eau à la bouche cette petite interview : j'ai vu le livre "Where did you get those ?" sur fnac.com à 35 euros et je l'ai mis dans mon panier...
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